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Cabaret & Théâtre
Categories: BIENVENUE

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« Zomayi » est un spectacle-cabaret, hétéroclite et multiculturel, qui se joue de préférence de nuit dans les bars. Sur la trame des tableaux narratifs racontant les étapes du périple du personnage central raconté par « boy » – la figure centrale du concert-party –  viennent se greffer divers numéros : moments de théâtre alternent avec des épisodes musicaux, des séquences dansées ou toutes autres performances pertinentes.

Outre le parti-pris artistique, la forme du cabaret a été choisie en raison de sa souplesse : capable de s’adapter à des conditions de jeux diverses, il permet d’aller à la rencontre de ses publics. En outre, il peut aisément se moduler au cours de la tournée, intégrant à chaque étape des talents locaux et des idées nouvelles.

Partant d’un canevas simple (le récit universel d’une personne qui part et qui revient…) présentant une série de tableaux nourris – au cours de la résidence d’écriture – des récits collectés auprès des descendants des « brésiliens » d’aujourd’hui autant que de témoignages recueillis dans le sud du Togo les concernant.
On s’intéressera aussi aux récentes productions littéraires et études scientifiques portant sur l’histoire des communautés « brésiliennes » et de leur actualité.

Avant et après la création du spectacle, en partenariat avec les universités et les instituts culturels impliqués sont proposées diverses activités : journées d’études, conférences, rencontres et tables rondes… Le projet est accompagné d’une exposition sur le «corps vodou comme lieu de mémoire de l’esclavage». Diverses publications sont prévues et un film documentaire fait la chronique du projet.

Le projet participe ainsi dans son ensemble à un travail mémoriel qui par le biais de la saga des « afro-brésiliens », esclaves brésiliens revenus libres dans le pays de leurs ancêtres, revient aussi sur l’histoire de la traite et de l’esclavage. Il s’agit notamment de favoriser des échanges artistiques et culturels entre les peuples divisés aujourd’hui par les barrières linguistiques en permettant aux différents artistes des régions concernées (pays du golfe du Bénin – notamment le Togo, Brésil et France)  ou des différents pays de confronter leurs pratiques individuelles en s’investissant dans une création commune

Le processus de création artistique est accompagné d’un projet académique/universitaire, associant recherches historiques (archives) et enquête ethnographique auprès des descendants des afro-brésiliens (aussi appelés aussi appelés «Aguda » au Togo et Bénin, «Amaro» au Nigeria ou « Tabon » au Ghana) et de leurs contemporains (en partenariat avec l’IRIS, EHESS, Paris).

Note d’intention :

Un Ulysse tropical

« Zomayi » raconte l’histoire d’une personne au destin extraordinaire : celle d’un esclave capturé dans un village de l’arrière pays de l’ancienne du golfe du Bénin, déporté dans une plantation brésilienne, enfui après avoir s’être révolté, puis affranchi, retrouvant enfin le chemin du retour vers la terre de ses ancêtres…

Cette histoire est celle des « afro-brésiliens » (aussi appelés un temps « agoudas » au Bénin) qui feront tout au long du 19ième siècle de nombreux allers et retours d’un côté à l’autre de l’océan Atlantique.

Au cours de son périple, il apprendra plusieurs langues, il changera plusieurs fois de nom, de religion, de métier et de position sociale… né libre, il devient esclave avant de redevenir enfin maître de son destin, luttant corps et âme contre la traite négrière qui se poursuivra longtemps après l’abolition, cyniquement …

Cette histoire est celle d’un homme révolté.

Cet Ulysse atlantique est aussi une icône de l’homme moderne, son identité protéiforme le rattache à l’humanité entière. Les questions que son périple amène à se poser sur la nature humaine, sur le caractère arbitraire des statuts et la fragilité des engagements moraux sont celles de tout le monde. Sa vie est une métaphore de l’errance, son cheminement est universel et il porte en lui tous les possibles.

Au-delà de sa dimension ludique, cabaretière et artistique, ce spectacle se veut aussi une méditation sur l’identité, à un moment de l’histoire de l’humanité où ce que les cultures partagent doit prendre le dessus sur ce qui les distingue.

Revenu là où il est parti, cet homme n’est pourtant plus le même. Quand il retourne chez lui, les gens qui l’on connu ne sont pas certains de le reconnaitre… lui-même doute d’être encore lui-même… Ulysse ? Utys[i] ?

Bernard Müller

i]« Personne » (« Οὖτις / Oûtis » en grec ancien) est le nom par lequel le cyclope Polyphème désigne Ulysse qui lui a crevé l’œil. Un jeu de mot permet d’éviter le renfort des autres cyclopes, qui croient alors leur congénère devenu fou, étant attaqué par « personne ». Ulysse peut ainsi fuir le pays des cyclopes avec ses marins. Le jeu de mots ne fonctionne pas tout à fait correctement dans une traduction française : alors que le texte grec fait dire de manière grammaticalement correcte et sémantiquement ambiguë à Polyphème « Οὖτις με κτείνει / Oûtis me kteínei » (mot à mot « Personne me tue » ou « Personne ne me tue » puisque la langue grecque n’a pas besoin d’une seconde négation), le texte français ne pourra que se contenter d’un « Personne ne me tue » négatif ou « Personne me tue » affirmatif ou familier, sans qu’aucune des deux formules ne puisse conserver l’ambiguïté grammaticale initiale.

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