CURIO
OUvroir d'ANthropologie POtentielle
« Zomayi »
Categories: BIENVENUE

Cabaret atlantique

« Zomayi – un Ulysse atlantique » est une création théâtrale qui découle d’une adaptation à la scène du roman Esclaves de Kangni Alem (Lattès, 2009). (Edition brésilienne : Escravos, Pallas, 2011).

Wézon* au cabaret !

*Bienvenue, Willkommen, Welcome

« Zomayi- Un cabaret atlantique » est une création théâtrale inédite tirée du roman Esclaves de Kangni Alem (paru chez JC Lattès en 2009 et en portugais chez Pallas en 2011)

Ce spectacle de concert-party met en scène le périple d’une personne au destin surprenant : un maitre des rituels à la cour d’Adandozan, roi du Dahomey (règne : 1797-1818), dévoué à la divinité Héviéso, trahi en 1818, puis déporté dans une plantation brésilienne dont il s’enfuit après avoir participé en 1835 à Salvador de Bahia à la révolte Malé, ensuite affranchi, reprenant un an plus tard le chemin du retour, accostant en 1836 à Agoué (actuelle République du Bénin) où il décédera en 1857…

Cet Ulysse atlantique changera au cours de sa pérégrination, plusieurs fois de nom, de religion et de métier… blanc, noir et indien, vivants et morts à la fois, il apprendra plusieurs langues, né libre, il sera un temps esclave puis maître, son parcours fait écho à ceux qu’on appelle encore aujourd’hui agouda ou « brésiliens », une communauté de descendants d’anciens négriers portugais ou brésiliens ainsi que des descendants d’anciens esclaves africains revenus libres du Brésil tout au long du 19ième siècle.

Ce qui se joue cepend  ant dans l’épopée agouda est d’ordre universel, les ressorts des tragédies créoles, archipéliques (Edouard Glissant) de l’homme moderne y ayant trouvé son théâtre. Le récit agouda frappe par le nombre de ce que l’anthropologue Jean-Loup Amselle appelle des « branchements », c’est-à-dire les interconnexions constantes des « cultures » sur « un réseau de signifiants planétaires » toujours « déjà-là », résultat de toutes les globalisations historiques, antérieures à celles de l’islam, de la colonisation européenne ou de l’actuelle « mondialisation »…Prémonitoire, ce récit populaire se compose à la manière d’un personnage de Jorge Borges ou de Gabriel García Márquez, portant en lui les fragments de toutes les cultures imaginables, contradictoires à souhait, parlant toutes les langues possibles, dans un récit fantastique, syncopé mais total. 

Pour saisir toutes les implications de récit, cette création théâtrale s’emboite dans une enquête anthropologique sur les agoudas aujourd’hui. La recherche porte sur le récit agouda comme œuvre collective et anonyme que l’on saisira dans la diversité de ses manières et manifestations culturelles. A l’exemple du roman Esclaves de Kangni Alem, ce récit permet d’aborder la complexité sociale et historique des sociétés littorales du Togo, et de l’impact de la traite négrière… La remise en jeu de l’épopée agouda contribue ainsi à un véritable travail culturel qui est aussi un travail de mémoire. C’est aussi vers cet objectif que tend le projet zomayi.

Nous sommes en 1818. Le personnage central de ce roman historique qui officiait comme maître des rituels du roi Adandozan (au titre de prêtre d’Héviéso) à la cour du roi d’Abomey alors est trahi lors d’une intrigue de palais ourdie par le marchand d’esclaves Chacha de Souza, puis déporté au Brésil avant de revenir à Agoué (1835), non loin de Ouidah, à quelques kilomètres du port où il embarqua. Son itinéraire est emblématique du parcours de ceux qu’on appelle au Togo les « agoudas » ou encore « brésiliens » pour désigner les descendants des esclaves capturés dans les régions maritimes du golfe du Bénin puis déportés au Brésil dont ils reviendront libres, une à deux générations plus tard sur une terre dont ils se souviennent qu’elle était celle de leurs ancêtres.

Le périple de cet Ulysse atlantique, ne cessant – d’un épisode de sa vie à un chapitre du roman – de changer d’identité, en passant d’un monde, d’un statut, d’une langue, d’une religion, d’une époque l’autre, met en lumière la grande richesse culturelle et la complexité sociale des sociétés ouest-africaines dont il est à l’image. Pourtant, loin de se réduire à la condition de l’esclave, en réalité, cette complexité est celle de l’homme moderne, qui porte en lui toutes les contradictions de l’humanité, à l’instar de chacun de nous, à l’instar des étapes du parcours du maître des rituels, dont les errances existentielles sont celles de tout un chacun, se perdant en se trouvant, à la fois mort et vivant.

Le genre choisi est celui du concert-party, un cabaret populaire, théâtre d’improvisation qui se joue dans les bars tard la nuit, en faisant alterner sketches, interventions musicales, numéros de clown ou improvisations avec le public.

 


Le personnage de Bob joué par Azé Kokovvina, Kokovivina Concert Band, Lomé, 2013 (Photo : Bernard Müller)

 

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